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Univers parallèles - 22
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Le grand-père regardait son petit-fils dans son hélicoptère.
Oh ! Pas un véritable hélicoptère. Celui-ci était de toutes les couleurs, en fibre de verre, et faisait partie du manège de Biscarosse. Selon que l’on tirait sur une manette ou qu’on la repoussait, l’engin montait ou descendait pour le plus grand plaisir de l’enfant.
Soudain le vieil homme sentait que quelque chose lui tirait la jambe du pantalon. Intrigué il baissa le regard. Deux yeux bleus, tout ronds, posés sur des joues toutes roses, et des rubans de couleurs dans ses cheveux blonds, la petite fille tendait sa main vers lui, une pièce jaune serrée au bout de ses doigts. Pris au dépourvu le grand-père ne sut quoi dire ou faire, puis il réalisa la situation : la petite fille voulait elle aussi faire un tour de manège. Elle était trop petite pour comprendre la valeur des pièces et ce que l’on pouvait en attendre, mais elle avait compris intuitivement les valeurs du commerce : en échange de ce bout de métal, que tous les adultes utilisaient, on pouvait obtenir des biens matériels ou non, en retour. Évidemment le commerce et la poésie ne font pas bon ménage, mais le monsieur ne vit là que la poésie du moment. Cette petite fille, surgie d’on ne sait où, avait une pièce à laquelle elle attribuait une grande valeur puisqu'avec elle allait pouvoir faire un tour de manège.
‘’Tu veux faire un tour ? lui demanda l’homme.
Aucune réponse mais un petit bras toujours tendu. La petite semblait étonnée qu’on ne lui prenne pas sa pièce. Pourtant normalement ça fonctionnait. L’homme comprit que l’enfant ne parlait pas le français. Pour un si petit être cela faisait beaucoup d’obstacles à surmonter. Mais elle ne se décourageait pas et, tenant toujours la jambe du pantalon, elle tendait l’autre main avec sa pièce, d’un air grave, un peu inquiet : pourquoi le monsieur ne voulait-il pas sa belle pièce ?
Alors le grand-père comprenant la demande de l’enfant et la situation difficile à laquelle elle se trouvait confrontée, prit sa pièce et, tenant la fillette par la main, il se rendit à la guérite des tickets. Il donna la pièce de la petite fille à la dame et en rajouta quelques autres. On lui donna un rectangle de plastique qu’il remit aussi gentiment qu’il le put à la petite fille. Quelle plus belle récompense peut-on recevoir que le sourire et la joie innocente d’un enfant ? Elle serra très fort le ticket dans sa main et attendit sagement l’arrêt du manège pour y prendre sa place. Lorsqu’il redémarra, la dame du guichet lui redemanda son ‘’droit de passage’’ et fièrement elle lui remit son ticket. Déjà bien des règles commerciales avaient été intégrées par la petite en premier lieu desquelles celle de l’échange et de la valeur monétaire. Par contre pourquoi ne pouvait-on pas directement payer avec la pièce sans le bout de plastique ? Les adultes sont compliqués ! Et leur monde pas toujours facile à comprendre. Elle aurait bien le temps en grandissant de perdre sa naïveté pour des règles bien plus complexes.
- Mais où donc sont ses parents ? pensa le grand-père, a t’on idée de laisser une si petite fille seule dans la rue ?
En fait les parents n’étaient pas loin, assis à la terrasse du café, à quelques mètres, prêts à intervenir si nécessaire. Ils avaient assisté à toute la scène. Ils vinrent alors à la rencontre de cet homme qui s’était occupé de leur enfant. Manifestement ils n’étaient pas français. Leur façon de faire avec leur petite fille dénotait une origine peu latine. Le lien entre eux et le vieil homme s’établit immédiatement. Bien qu’ils ne soient en rien une marchandise, les enfants sont aussi un excellent moyen d’échange entre adultes.
Bernard Lesage
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Voilà un beau titre pour un roman de l'été !