• Paris 14 septembre 20h38

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    Quimerc'h
    Jeudi 4 Juin 2015 à 22:28

    C’était un jour de pluie. De pluie ? Non, pas vraiment, un crachin plutôt, un crachin de pays du nord, froid et tenace qui pénétrait insidieusement les os malgré l’imperméable. Cette forme floue semblait fuir devant lui. Il aurait voulu la rattraper, lui dire qu’il y avait un malentendu, mais ses jambes ne lui obéissaient plus, elles avaient de la peine à se mouvoir, elles semblaient de plomb. Toute sa volonté était tendue vers cet unique but, la rattraper, lui prendre le bras, voir son visage se tourner vers lui, interrogatif et irrité à la fois. Il aurait voulu lui dire ces mots qui peuvent réparer, qui éclairent,  mais le sombre de cette journée étranglée sous les nuages bas et le sol gris ne le lui permirent pas. Tout était dilué comme une grosse tache d’aquarelle qu’un peintre maladroit aurait laissé dévorer l’espace autour d’elle. Ses jambes étaient de plomb et le trahissaient. Maintenant il était trop tard. Pourquoi cette dispute ? Ils ne l’avaient pas voulu mais elle avait eu lieu. Bêtement aucun n’avait voulu céder, faire le premier pas, celui qui répare tout, celui qui nous fait sourire après coup, qui fait prendre conscience de la futilité du différent. Mais au lieu de cela il avait privilégié sa fierté comme un rempart ; elle s’était défendue, retranchée dans sa personnalité comme un soldat dans sa tranchée, chacun privilégiait son ego. Une querelle idiote, il s’en était rendu compte très vite après qu’elle eut claqué la porte de l’appartement. Ce claquement sec sonnait comme une rupture : la porte qui se ferme, le rempart que l’on érige entre soi et l’autre, la protection qui s’interpose entre deux êtres pourtant si proches ; Ce claquement le ramena à la conscience, mais il y avait encore un reste d’amour propre qui le retenait là, partagé entre la pulsion de son désir de réconciliation, son amour pour elle et son amour propre de mâle qui le tenait encore dans ses rets.

    Maintenant il était trop tard. Jamais il ne pourrait lui dire qu’il regrettait cette dispute, jamais il ne pourrait lui dire combien il l’aimait et l’aime toujours, jamais il ne pourrait plus l’enlacer, sentir la chaleur de son corps contre le sien…. La voiture l’avait fauchée juste devant la maison. Un hurlement de frein, un choc et puis le silence, suivi d’un cri….

    Il tient sa bouteille à la main. A l’intérieur il a mis tous ces mots qu’il aurait voulu lui dire, ses regrets, cette impossibilité de lui parler, de communiquer d’entendre sa voix pour se faire pardonner. Cela resterait dans son âme comme une blessure profonde, il ne pouvait pas demander pardon, il se heurtait au vide, à l’absence éternelle de l’être si profondément aimé. Il imaginait son essence de vie dans l’immensité de l’univers, dans ce cosmos infini qui s’ouvrait au dessus de sa tête, mais même là elle était inatteignable, quelle force matérielle pourrait lui envoyer son message ?. Un autre infini s’offrait à lui : celui de la mer, celui des océans incommensurables où des milliers de vie s’épanouissent dans le secret des abîmes.

    D’un geste ample chargé de tous ses remords, aussi loin qu’il le put il confia  sa bouteille à la mer, chargée du plus précieux des messages pour celle qu’il avait tant aimée et qu’il ne pouvait plus atteindre que par les liens de l’âme.

    Bernard LESAGE

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    Vendredi 5 Juin 2015 à 20:10

     

    J'avais mis cette photo dans le thème "la ville". Pourtant j'ai aussi une rubrique "La photographie romancière" destinée à certaines images qui prennent le pas sur le photographe et racontent leur histoire en toute indépendance jusqu'à exprimer parfois ce que le photographe n'avait pas imaginé lors de sa prise de vue. J'ai donc remis cette image dans la rubrique qui désormais est la sienne.

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