• Lettres de l'au-delà - 7

                                                                                                                                                     1915

    1915

    Sculptures de Dominique Defontaines - Texte de Bernard Lesage

    Photographie Daniel Blaise

     

     Une immense clameur emplit  l’espace

    Une immense clameur faite de cris, de haine,

    De fragments de métal projetés dans l’espace,

    De bouts d’os, de morceaux de chairs.

     Des hommes habillés de bleu, des hommes habillés de gris,

     Bardés de pointes acérées se précipitent les uns vers les autres,

    Se traversent de lames effilées et de morceaux d’acier.

    Leurs cris couvrent les cris, leur fureur couvre la fureur, leur fracas couvre le fracas.

    L’humanité en a les sens assourdis, la sensibilité dépourvue d’âme,

    Les instincts animaux à fleur de peaux.

     L’humanité est animalité.

     

    Profitant du tumulte un parfum de fleurs de couteaux s’exhale des jardins d’Orient.

    Des cris s’élèvent là aussi, mais issus de poitrines trop petites pour porter bien haut.

    Des cris d’impuissance, des cris de peur, des cris d’épouvante

    L’espace loin de s’en emplir  n’en parut que plus vide par effet de contre-champ.

    Le poignard s’enfonce chaque fois plus profondément dans un jardin arrosé de sang.

    Les bras cherchent le secours du ciel mais sans pouvoir l’atteindre,

    Le ciel se refuse à eux, les regards se  détournent.

    La misère et la détresse comblent les fosses, encombrent les rivières,  amusent les tortionnaires.

    Les membres décharnés dressent au ciel leurs os desséchés,

     Tels des bois morts cherchant le trait qui les unira à lui,

    Mais le trait est rompu, les os brisés, l’abandon total.

    Le ciel se refuse à eux, les hommes les ont rejetés dans l’obscur de leur part d’oubli.

                                                          100 ans.

    Un souffle semble ressurgir

    Des profondeurs de la terre une racine a survécu,

    Têtue.

    Elle a poussé une tige hors du sol.

    Sur cette surface nue rendue stérile 100 ans durant, les regards reviennent vers elle.

     Les mille et une si petites poitrines dont elle est issue s’unissent pour lui insuffler la vie.

    Son aura s’étend jusque sur les terres reverdies de l’Occident.

    Elle s’extirpe des recoins où on croyait la contraindre, dérange sa faucheuse schizophrène.

    La conscience sort de la tombe.

     La Fleur de l’Orient, interroge les fils de bourreaux, les accule au mur de leur mensonge, les poussera aux aveux.

                                                                                                                                                                        Bernard Lesage

     

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